VenSi vous ouvrez un des dictionnaires présents au centre de formation de l’Ajax Amsterdam, ne soyez pas surpris que les mots « carence » ou « pénurie » n’y figurent pas. Ces mots sont absents du vocabulaire des installations De Toekomst. Depuis toujours, l’Ajax Amsterdam construit ses succès sur les pépites élevées dans son centre de formation, avant que celles-ci n’aillent inonder les grands championnats européens. Et le prochain à placer son nom sur cette liste prestigieuse pourrait être Kasper Dolberg.
Les vedettes du ballon rond telles que Zlatan Ibrahimovic, Luis Suárez ou Christian Eriksen ont un point commun : tous sont passés par l’Ajax Amsterdam. Mais déjà bien avant ces footballeurs contemporains, l’école ajacide à éduquer tellement de champions de ce jeu qu’une liste exhaustive serait trop longue à dresser. Parmi ceux-ci, et pour bien fixer les idées, on retrouve Johan Cryuff, Dennis Bergkamp ou Clarence Seedorf. Et parce qu’en tous temps, l’Ajax révèle les talents, cet été encore elle s’est vue subtiliser Arkadiusz Milik, parti à Naples, et Viktor Fischer, désormais au Riverside Stadium de Middlebrough. Le club basé à Amsterdam continue à faire son travail discrètement, et régulièrement ce travail lui permet de garnir confortablement sa trésorerie grâce à la générosité des plus grosses fortunes européennes. Et en ce moment, la sensation à la mode à l’Amsterdam Arena est danoise et s’appelle Kasper Dolberg (19 ans).
Petite biographie
Kasper est né à Silkeborg, ville du centre du Danemark. Dans la région, le club phare est le FC Midtjylland. Mais à vouloir voler trop haut trop rapidement, on se brule les ailes. Dès lors, Kasper Dolberg est inscrit très jeune dans un club régional (GFG Voel) beaucoup moins huppé. A 12 ans, ce club devient trop petit pour le blondinet qui rejoint Silkeborg IF.
Dolberg y gravit progressivement les échelons jusqu’à un jour de 2015 où il dispute son premier match pro, en rentrant en cours de partie face à Brøndby IF. Néanmoins, l’œil attentif des recruteurs ajacide n’a pas dû attendre ce match pour proposer à Kasper Dolberg de signer un contrat de 3 ans chez eux, effectif à partir du 1er juillet 2015. D’ailleurs, les yeux qui ont repéré Dolberg sont ceux du même recruteur (John Steen Olsen) qui a convaincu Zlatan, Eriksen et Fischer de se laisser tenter par une aventure aux Pays-Bas, dans la meilleure école de football du monde.
A son arrivée dans la capitale néerlandaise, l’avant-centre danois brille d’abord pour l’Ajax U19. Tout au long de la saison 2015/16, Il marque huit fois et donne un assist en 22 apparitions. Les performances du jeune Danois permettent à l’Ajax U19 de finir en tête de « sa » Eredivisie et lui ouvrent les portes de l’équipe première dès le premier match de l’Ajax dans la présente campagne, match disputé contre le Sparta Rotterdam.
Dolberg obtient déjà sa première titularisation dès le match suivant, contre Roda JC. Depuis lors, Kapser Dolberg a pris part à 17 autres rencontres de Erdivisie avec l’Ajax. En 19 matchs de championnat, il totalise 8 buts et 2 assists.
Et puisque son étoile brille autant que l’éclat de ses cheveux blonds, la belle histoire se complète avec un premier match pour le compte de son équipe nationale, face au Kazakhstan.
Style de jeu
Parce que le football est un jeu qui se raconte, et s’écrit, avant tout avec les pieds, il est primordial de commencer par citer la puissance du pied droit du jeune Danois lorsqu’on envisage de disserter sur son style de jeu. Ce pied droit surpuissant lui permet de tenter sa chance de loin, comme de conclure de plus prêt en ne laissant que peu de chance au gardien adverse. Afin de mettre des chiffres sur ses performances face aux filets, un examen des statistiques révèle que l’attaquant prend 3 fois sa chance au but par match, dont 20% de ces essais se font hors des 16 mètres. Ces tentatives se solde par un ratio tirs cadrés/tirs tentés de plus de 63% et plus de 75% sont effectuées avec son pied droit.
Ses qualités physiques naturelles et son gabarit (1m86 pour 75kg) jouent également en sa faveur. Si bon nombre de défenseurs sont mis en difficulté lorsqu’ils font face à un avant-centre grand et fort, leurs soucis n’en sont que décuplés si en plus ce même avant-centre est capable de jouer avec un rythme très élevé. Et Kasper Dolberg est très certainement de ceux-là.
La vidéo d’illustration ci-dessus montre les belles qualités de finition de Dolberg, mais illustre aussi ses formidables qualités de mouvement et de gestion des un contre un avec les défenseurs. Malgré son jeune âge, de telles possibilités font que Dolberg n’a pas à craindre les défenses adverses. D’ailleurs, c’est sans doute les défenses adverses qui sont le plus déstabilisées à l’idée de devoir jouer un match face à un tel phénomène que l’inverse.
La vidéo illustre, en plus de ses qualités de finition absolue, le large panel avec lequel il met le portier adverse à contribution. Il offre de la profondeur au jeu ajacide (cfr son but face à Feyenoord), mais également une belle maitrise balle au pied pour dribbler ses opposants ou jouer en combinaison. Sa lecture des trajectoires sur les centres est également remarquable (cfr son but face à Roda).
Aussi, peu importe la variété des actions dans lesquelles Dolberg est impliqué, elles ont un point commun : la qualité de son jeu dos au but et sa première touche de balle, ainsi que la facilité avec laquelle il parvient ensuite à systématiquement se remettre dans le sens du jeu pour le faire avancer. Et les adverses éliminés défilent les uns après les autres. Son taux de dribbles réussis de 61,5% est là pour en attester. Dolberg et la conservation d’un ballon, ça fait donc visiblement bon ménage. Et l’animation collective de l’Ajax s’en trouve renforcée : avec un joueur capable d’être un point de fixation fiable très haut sur le terrain en plus de pouvoir initier des lancements de jeux vers les éléments déstabilisateurs (Ziyech, Younes, Traoré, El Ghazi,…), c’est tout le football amstellodamois qui respire. Et c’est lancement de jeu ont un impact direct sur la création d’occasions franches pour les ajacides car Dolberg totalise 1,2 key passes par 90 minutes de jeu (7ème meilleur total des attaquants de Eredivisie ayant pris part au moins 10 matchs et meilleur attaquant de moins de 20 ans dans cet exercice).
Ce qui frappe chez Dolberg, malgré son jeune âge, c’est son QI football élevé : décrochages utiles à son équipe, tel un 9 et demi, changements de positions momentanés, s’excentrant alors sur l’une ou l’autre aile (avec une préférence pour l’aile gauche, souvenir de son passé avec les U19) ou dans les half-space,… Ceci ajoute encore un effet de surprise déstabilisant pour l’adversaire et de la liberté aux dribbleurs, qui sortent déjà majoritairement vainqueur de leurs un contre un en temps normal.
Une autre facette de son jeu non encore discutée, à savoir son jeu de tête, vaut à Dolberg d’enrichir encore sa panoplie de numéro 9 de haute qualité. Avec pratiquement 3 ballons aériens à jouer par période de 90 minutes, Dolberg s’en sort dans pratiquement la moitié des cas. Néanmoins, il s’agit de l’un des éléments de son jeu sur lequel il devra le plus progresser à l’avenir. Avec la précision de ses passes.
Ses faiblesses
Le portrait est jusqu’ici très flatteur, mais quelques faiblesses, ou points d’amélioration potentielle, sont à y ajouter pour le compléter totalement. Ainsi, malgré ses bonnes dispositions dans les mouvements, sa lecture du jeu et sa prise d’intervalles discutés précédemment, Dolberg n’enregistre actuellement que 2 assists et 74,7% de passes réussies en Eredivisie au cours de la saison 2016/17, bien que ce ratio soit le 4ème meilleur des attaquants à plus de 10 matchs en Eredivisie. Aussi bien que son total de key passes, abordé plus haut, ne soit pas anecdotique, il n’en reste pas un moins un joueur moyen de Eredivisie pour son poste sur ce point, alors qu’il est un des tous meilleurs de ceux-ci sur d’autres aspects (finition, dribble,…).
De plus, si le portrait en possession est pratiquement sans accroc, son implication en perte de balle pourrait forcer Peter Bosz à s’arracher les cheveux s’il en avait encore.
Enfin, comme mentionné plus tôt également, une évolution de son jeu de tête lui permettrait de franchir quelques paliers supplémentaires.
Dolberg réalise sa première saison au sein de l’équipe première de son club et toutes conclusions définitives quant à le classer parmi les valeurs sûres des numéros 9 pour le futur seraient hâtives. Néanmoins, il est certain qu’il faut espérer qu’un tel joyau se polisse le plus parfaitement possible avec le temps. Le football nous a déjà gâché suffisamment de vrais talents comme ça…